Article paru dans Le Moniteur n°5968 du 23 mars 2018, par Orianne Dupont sur l’étude urbaine des Aubiers à Bordeaux.
L’horizon se dégage sur le quartier des Aubiers
Bordeaux Métropole prépare l’avenir des Aubiers, avec 2050 en ligne de mire. Ce quartier populaire, situé au nord de Bordeaux (Gironde) et dénombrant 3 000 habitants et 1 300 logements, a été construit en 1967 ; il souffre aujourd’hui d’une mauvaise image et d’enclavement. La métropole, en partenariat avec les bailleurs sociaux gestionnaires Aquitanis et Domofrance, a lancé une étude urbaine pour ouvrir le secteur et le raccorder au centre-ville.
Les architectes bordelais Christophe Gautié (Flint) et parisien Bruno Rollet avec le paysagiste David Haudiquet (Base) travaillent depuis février 2017 sur ce périmètre de 40 ha qui comprend les Aubiers et la Résidence du Lac, située en face. L’étude globale, qui inclut un plan-guide et une maquette financière, sera officiellement remise à la métropole en juin, mais les grandes lignes ont été validées dès la fin 2017. Un démarrage des travaux sur la partie Résidence du Lac est envisagé dès 2019.
Pour la collectivité, l’enjeu de ce renouvellement est l’ouverture et le maillage du secteur. « Il s’agit de rendre les équipements obsolètes attractifs, d’en implanter de nouveaux pour attirer un public extérieur au quartier, de diversifier l’habitat, de réaménager les espaces publics et les voiries, etc. », précise Elizabeth Touton, adjointe au maire de Bordeaux chargée de l’urbanisme et conseillère métropolitaine.
Démolition de la dalle. Selon Christophe Gautié, « le problème porte sur la configuration de la zone, avec des bâtiments édifiés sur une dalle. Les logements démarrent à R + 4 par rapport au sol. Tout ce qui se passait en bas s’est dégradé. Entre l’espace public et les logements, il y a une sorte de no man’s land et il est difficile de se repérer. » Le groupement chargé de l’étude a donc opté pour une suppression de la dalle avec une réappropriation des rez-de-chaussée et une connexion à l’espace public. Mais convaincus de la qualité du bâti, il ne préconise la démolition d’aucune tour. Le site compte 3 000 m2 d’espaces vacants, sous forme d’alvéoles, qui pourraient être réinvestis par des activités associatives, commerciales ou entrepreneuriales. En entrée du quartier côté tramway, la place Jacques-Thibaud sera représentative de cette démarche, puisque le parking aérien actuel laissera place à un aménagement paysager et les espaces vides seront réinvestis. Cette opération, qui s’élèverait au total à 100 millions d’euros, a été retenue par l’Anru.
« Ça bouscule, reconnaît Francis Stephan, directeur général de Domofrance, gestionnaire de 650 logements sur l’ensemble du quartier.
Le projet est coûteux et la technique n’est pas simple, mais c’est une opportunité pour les Aubiers. Nous voulons qu’ils deviennent attractifs. Faire tomber la dalle est un signe fort. » A terme, les friches ferroviaires adjacentes qui appartiennent au port de Bordeaux devraient servir à créer un lien avec le secteur des Bassins à flot.
Nouveaux équipements. Au-delà des modifications architecturales, il faut doter le quartier d’équipements : l’école Jean-Monnet sera détruite et reconstruite plus grande le long de l’allée de Boutaut sur un terrain de Bordeaux Métropole, de nouveaux jardins familiaux seront ajoutés, l’Ecole de cirque actuellement située face à la base sous-marine devrait déménager aux Aubiers et Aquitanis envisage la création d’une ferme urbaine.
Pour ce dernier projet, le bailleur a choisi un assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) constitué par Saluterre (mandataire), Certop, Dauphins, Ellyx, IBC et l’Atelier Interscene qui mène actuellement une concertation publique. Le projet, qui pourrait démarrer au printemps, porte sur 4 000 m2 d’espaces de production, installés sur la Prairie, espace paysager de plus de 20 000 m2 au sud de la zone.
Les bailleurs travaillent également de concert sur un projet de réseau de chaleur urbain avec une chaufferie à énergie renouvelable, dont les travaux devraient démarrer au printemps avec une mise en service en 2019. « Nous avons tous les ingrédients d’un écoquartier », commente Adrien Gros, directeur de l’aménagement urbain d’Aquitanis.
Les privés s’intéressent au quartier
« Si le privé investit et que la population achète, cela signifie que le quartier n’est plus un repoussoir », estime Francis Stephan, de Domofrance. Et ce renouvellement suscite effectivement l’intérêt : Eiffage Immobilier vient de livrer, en lisière du périmètre étudié, face aux Aubiers, 156 logements (dont 22 sociaux, 52 en prêt social location-accession, 34 en accession abordable) à un prix de vente moyen de 2 500 euros/m2 TTC parking compris, ainsi que 48 loge ments en accession libre. La particularité du projet réside dans la pièce en plus de 10 m2 – pour 60 appartements – livrée non aménagée, concept imaginé par l’architecte Bruno Rollet. Les promoteurs locaux Pichet et Aqprim (lauréat de l’appel à projets innovants de la métropole Urbalab) prévoient également de construire 200 logements au nord du périmètre de l’étude urbaine et déposeront leurs permis de construire à la fin de l’année.